Les quotidiens

Le 14 mars 2007

Journée Infopresse

Les quotidiens sont à la fois en pleine effervescence et en plein bouleversement. Ils sont un des médias préférés des annonceurs, au second rang des investissements publicitaires au Québec. Ici, leur lectorat global est même en hausse… en partie, il est vrai, à cause de l’essor des gratuits.

Car les quotidiens font face, par ailleurs, à des défis sans précédent : outre la montée des gratuits, il y a l’essor d’internet, la migration des jeunes lecteurs vers de nouveaux médias…  Où en sommes-nous au Québec? Comment se compare-t-on aux États-Unis, à l’Europe et même à l’Asie? De qui peut-on tirer des leçons?

Quelles sont les avenues les plus prometteuses pour les quotidiens ? Quels avantages particuliers peuvent-ils faire valoir dans l’univers médiatique ? Quelles sont les meilleures solutions pour conserver un lien de proximité avec les lecteurs, continuer de renouveler le lectorat et offrir de nouveaux formats publicitaires ? Existe-t-il de bons modèles de synergie entre le Web et l’imprimé? L’avenir des quotidiens se trouve-t-il dans la production de contenu distribué sur de multiples plateformes: imprimé, site Web, Podcast, cellulaire? Faut-il considérer sérieusement l’avenue de la gratuité?

Cette Journée-conférences a été l’occasion de prendre le recul nécessaire afin de jeter un regard sur l’avenir et de planifier les initiatives qui permettront aux quotidiens de s’adapter aux grands bouleversements qui surviennent dans l’industrie des médias.

Voici un résumé de trois des quatre conférences de cette journée.
Pour consulter le programme complet, cliquez ici.

Texte rédigé par Yolande Cyrenne, en collaboration spéciale avec le CDMQ.
------

Changements mondiaux
Conférence de Jean-Paul Gagné, éditeur émérite Les Affaires


Selon M. Gagné, deux phénomènes perturbent l’industrie de la presse payante présentement : d’abord l’arrivée des quotidiens gratuits, et ensuite l’arrivée de l’internet qui vient aussi, entre autres, avec la gratuité de l’information.

En général, les tirages des quotidiens des très grandes villes sont les plus vulnérables aux baisses de tirage et de lectorat à cause de la venue des quotidiens distribués gratuitement et de l’accès au service Internet haute vitesse.

  • En Europe, les gratuits ont une très grande pénétration : par exemple 51% de parts de marché au Portugal et 31% en Espagne.
  • Aux É-U, de façon générale le tirage a diminué de 3,5% en semaine et de 4,6% la fin de semaine, et de 1996 à 2004, la perte de revenus sur les annonces classées, au profit de l’internet, est estimée à plus de 2 milliards de dollars!
  • Au Canada, les revenus de diffusion étaient de 30% il y a 20 ans et ne sont plus que de 20% aujourd’hui. L’ajout d’un site Internet au quotidien engendre certes des revenus mais pour l’éditeur, une page de quotidien papier coûte beaucoup plus cher à produire qu’une page Web ; le coût d’accès à internet n’équivaut pas au coût d’achat du journal, et même si les ventes publicitaires sont en progression sur le net, le modèle de rentabilité n'est pas aussi intéressant que dans l'édition papier.

Pour arriver à être rentable, les quotidiens doivent diminuer leurs coûts et/ou augmenter leurs ventes ; quelques uns ont déjà diminué leur format en longueur ou en largeur, mais ils ne peuvent augmenter le coût de l’abonnement ou de la vente en kiosque sans risquer de perdre encore plus de tirage. Ils doivent donc se tourner vers les produits dérivés.  Parmi ceux-ci se trouve l’accès aux archives du journal via l’internet. Selon M. Gagné, les européens ont su mieux profiter de cette source de revenu en chargeant le bon prix à ses abonnés, tandis qu’ici, on ne les vend pas assez cher. M. Gagné a donné l’exemple du Wall Street Journal qui donne l’accès Internet de ses archives moyennant la somme de 750$ par année.

Opportunités pour le quotidien :

Offrir des exclusivités (le Wall Street Journal s’est donné pour objectif d'avoir un contenu exclusif de 50% par édition)

Mousser son rôle principal qui est l’analyse et l’interprétation de l’information  - les lecteurs des quotidiens (payants) sont en général plus éduqués, donc plus exigeants sur le contenu

Promouvoir sa crédibilité (aux É-U. cet aspect a été entaché par de nombreux scandales, mais pas ici)

Conclusion :

Les quotidiens gratuits vont continuer d’augmenter

De même que les lecteurs sur les sites internet des quotidiens

La recherche marketing est essentielle pour nous indiquer les besoins des lecteurs et ainsi maximiser l’implantation d’innovations rentables à court et à long terme.

------

Modèles d'affaires, structures d'avenir

Conférence du Dr Robert G. Picard, directeur du Media Management and Transformation Centre, Jönköping International Business School (Suède), consultant et spécialiste mondial du business des médias.

M. Picard a d’abord identifié quelques unes des grandes tendances dans les médias :

1) L’abondance :

- le consommateur a de plus en plus de choix de médias

- la croissance des médias est plus grande que ce que le consommateur peut utiliser et payer

- le nombre de page a triplé dans les quotidiens au cours des dernières années à cause de l’augmentation des annonceurs et des contenus

- les lecteurs ne lisent qu’une partie du journal et beaucoup ne lisent souvent que les grands titres, faute de temps. Le lecteur se sent donc coupable de payer pour tout le journal alors qu'il n'en lit qu’une partie…

- la prolifération des chaînes télévision résultant en autant de sources d’information

- le nombre de magazine a quadruplé au cours des derniers 25 ans, donc plus de titres et plus de magazines spécialisés

- on estime à 1000 le nombre de nouveaux livres qui arrivent sur le marché quotidiennement!

2) La fragmentation et la polarisation :

- fragmentation : plus de choix de canaux de télévision et de radio, plus de choix de titres, donc de plus petits auditoires

- polarisation : même si le consommateur a accès à une multitude de plateformes d’information, il en vient souvent à concentrer son temps sur 1 quotidien, 2 ou 3 magazines, 3 ou 4 réseaux de télé, 1 à 2 portails Internet, etc.

- les annonceurs répartissent leur budget dans plusieurs véhicules plutôt que de se concentrer sur un seul. En bout de ligne ils en sortent gagnants puisque leur budget n’a pas nécessairement augmenté ; il y a plus de choix, donc de plus petits auditoires négociés très serrés.

3) Le développement du portfolio :

- les grands propriétaires de médias tentent de détenir le maximum de titres/canaux en vue de rejoindre les différents segments de groupes-cibles et ainsi s’accaparer la plus grosse part du budget publicitaire, sinon tout le budget publicitaire... avec le résultat qu’ils peuvent accorder des escomptes de volumes aux annonceurs et économiser sur leurs frais d’opérations.

- les services de créativité médias sont désormais chose courante dans les forces de ventes des médias

- on développe beaucoup de produits mais on fait aussi du sur-mesure

- on conclut des alliances pour offrir des projets clé en main aux annonceurs

4) Les grands propriétaires médias américains s’affaiblissent de plus en plus :

- il n’y a plus de compagnie de médias "pure" dans le palmarès des 100 meilleures compagnies aux É-U., les médias font moins d’argent qu’avant

- même si les grands propriétaires de médias sont devenus de plus en plus gros en procédant à des acquisitions, les auditoires et les revenus continuent à diminuer ; tous ont peur d’être acheté par une autre grosse compagnie.

5) Le changement de pouvoir en communication :

- le contrôle s'est déplacé du média vers le consommateur à cause de la prolifération des plateformes de communication et des nouvelles technologies disponibles du bout des doigts et à peu de frais

- le consommateur paie désormais pour avoir accès aux nouvelles technologies telles que le téléphone mobile, la télévision haute définition, la radio par satellite, etc. sur lesquels les annonceurs peuvent faire valoir leur produits et services ; pour chaque dollar dépensé par l’annonceur, le consommateur en investit trois.

- 1/3 des budgets publicitaires sont maintenant alloués vers le marketing personnel au détriment des médias de masse via le direct marketing, les relations publiques, la commandite hyper ciblée, les promotions croisées, etc.

Pourquoi l’industrie des quotidiens payants est-elle en déclin?

- perte des ressources

- perte de revenu

- manque d’innovations

- difficulté de s’adapter à sa clientèle-cible

 

Quels sont les avantages reliés à l’industrie des quotidiens payants?

- l’habilité à développer des contenus et se rendre incontournable face à ses lecteurs et à l’opinion publique (cité dans d’autres médias)

- la maîtrise des canaux de distribution

- les facilités d’imprimerie

- l’abondance des ressources

Quelles sont les conditions de succès pour les quotidiens payants?

- maintenir leur crédibilité via l’analyse, la recherche, la démonstration

- être à l’écoute de ses lecteurs actuels et maintenir leur intérêt en leur offrant des exclusivités et de l’innovation

- faire la promotion du profil de ses lecteurs : plus âgés mais plus instruits et plus riches que les lecteurs de quotidiens distribués gratuitement

- développer de nouveaux produits à contenu rejoignant des lecteurs avec des intérêts spécifiques, faire du marketing de niche plutôt que du marketing de masse

- offrir des produits dérivés en examinant soigneusement chaque maillon de la chaîne de production du quotidien en vue de le rentabiliser

- accepter de coopérer avec d’autres compagnies dans le but de partager les frais mais aussi les bénéfices

- investir dans de nouvelles technologies

Finalement, selon M. Picard, plusieurs quotidiens connaissent présentement des difficultés car leurs dirigeants ont ignoré les problèmes, voire manqué de vision. Ils ont cherché à tout prix à conserver leurs vieilles méthodes traditionnelles.

------

Daily Newspapers, next frontier
Conférence de Hugh Dow, président, M2 Universal

 

M. Dow, sommité reconnue dans les agences canadiennes d’un océan à l’autre, a commencé son allocution en nous présentant son interprétation du paysage médiatique d’aujourd’hui.

Le Canada est unique :

- les médias sont de plus en plus fragmentés

- le multiculturalisme se poursuit

- le débordement des véhicules de masse des É.-U.

- une vaste géographie se déployant surtout près de la frontière américaine

- une importante réglementation qui contraste avec nos voisins américains

- des particularités qui lui sont uniques, tels que le bilinguisme, les services sociaux, etc.

- le tout avec une petite population d’à peine 31,6 millions

Les nouvelles technologies servent le consommateur; il peut désormais décider QUAND, OÙ et COMMENT.

L’interactivité est le changement fondamental qui oblige de changer la façon de faire dans les affaires. Nous sommes passés du marketing de masse au marketing de niches, et finalement, au marketing personnel. Cette nouvelle interactivité avec le consommateur est une grande opportunité mais elle nous oblige à repenser notre modèle d’affaires.

L’industrie des quotidiens - Situation actuelle :

Les payants :

- Malgré l’augmentation de a population entre 2000 e 2006, la vente des quotidiens sur une base hebdomadaire a baissé de 8%.

- Le lectorat des quotidiens entre 2000 et 2005 a diminué dans tous les segments d’âges, les 18-34 sont ceux qui ont le plus diminués avec 15,8% tandis que les 55+, seulement de 0,7%. À noter que Pierre Arthur (directeur Recherche et Marketing à La Presse) a mentionné plus tôt (Table ronde) que la performance de ce segment était de 23 PEB le samedi à Montréal…

Les gratuits :

- Ils sont là pour rester

- Ils attirent une clientèle jeune

Suggestions et ou recommandations aux quotidiens :

1) arrêtez de vous tirer dans le pied ! (Voir The Globe & Mail du 7 mars 07 : Buffet warns "aspiring presse lords’’ a bleak future)

2) valorisez votre auditoire, son profil de consommateur

3) augmentez la fréquence des rapports sur vos auditoires (un NADbank mensuel ?)

4) explorez l’engagement de votre auditoire face à votre média et publicisez le

5) faites la promotion de votre journal en ligne et augmentez les occasions de lecture

6) établissez dès maintenant une stratégie d’affaires en vue d’un partenariat avec le cellulaire (fournisseur de contenu, etc..)

7) démontrez votre fiabilité : faites le suivi auprès des annonceurs sur leur campagne et publicisez vos bons coups

8) développez un lien avec vos annonceurs : comprenez leur business et anticipez leurs besoins

9) standardisez les mesures d’auditoires avec les autres médias, notamment au niveau des espaces géographiques, et démontrez l’efficacité de vos canaux de distribution

10) publicisez et vantez vos expériences avec les nouveaux médias : misez sur votre pouvoir de fournir des contenus et des analyses

Conclusion :

"…they (newspapers) provide almost instant reach of over half of the population on a daily basis… They provide immediacy land have a high level of credibility with readers. They can provide information very quickly and they also have the ability to provide a complicated or lengthy message which, in many cases, other media cannot."

-------

Vous souhaitez réagir à cet article? N'hésitez pas à nous envoyer vos commentaires ou suggestions à l'adresse suivante : [email protected]


Retour à la liste

Nouvelles

Recevez les dernières nouvelles du conseil :

Inscrivez-vous !

Événements

 
BEC CICQ