Journée
Infopresse
En
2006, Pierre Karl Péladeau déclarait que le paysage télévisuel devait
faire face à l’arrivée d’un tsunami. Télé HD, IP, iTV, TiVo, Internet
et médias mobiles, la fragmentation de l’auditoire bouleverse les
modèles traditionnels de diffusion.
Comment rester à
l’avant-plan de l’innovation tout en créant et en diffusant des
contenus forts et cohérents? Comment annonceurs et agences pourront
tirer profit de ces nouveaux enjeux liés à la diffusion et à la
programmation? Et où en sont réellement ces nouvelles possibilités
qu’offre la télé?
Voici un résumé de
quatre conférences de cette journée.
Pour consulter le programme complet, cliquez ici.
Texte
rédigé
par Yolande Cyrenne, en collaboration spéciale avec le
CDMQ.
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Inspirations
internationales
Conférence de Richard Portelance,
directeur
général du service commercial de
Radio-Canada
Radio-Canada est membre de l’EGTA,
l’European Group Television Advertising qui totalise 26 pays
télédiffuseurs de pays européens ainsi que 10 autres de pays à
l’extérieur de l’Europe (www.egta.com), et dont le but est
d’échanger
des idées et des expériences sur l’industrie et d’en faire la
promotion. M. Portelance s’est inspiré de sa dernière rencontre
annuelle avec l’EGTA, en février 2007.
1. Des
inspirations internationales :
La télévision européenne est en
crise, comme à peu près partout dans les pays industrialisés, mais
beaucoup d’actions se font dont on pourrait s’inspirer pour améliorer
la nôtre. D’abord, les grandes différences entre le marché de la
télévision européenne et le marché québécois :
La réglementation :
Au niveau des
produits/services des annonceurs : elle est encore pire que la nôtre,
il y a d’abord la réglementation européenne et celle qui diffère d’un
pays à l’autre.
Au niveau des plateformes : le cellulaire, le
VOD (vidéo sur demande), l’internet, tout est majoritairement
réglementé alors qu'ici c’est la pagaille, on devrait être mieux
réglementé et s’inspirer des européens pour le
faire.
Le temps commercial :
Il varie d’un
pays
à l’autre : par ex. :
- il n’y en a pas du tout à la BBC en
Angleterre
- 6 minutes en Allemagne pour la chaîne
ARD
- 8 pour France Télévision au début et à la fin d’une
émission, et 12 à TF1 mais les annonceurs ne peuvent intervenir avant
20 premières minutes de diffusion d’une
émission.
Les groupes cibles sont différents :
En
Europe, on vise les 25-59 ans et les 50 ans et plus ; ici, on vise
toujours les 25-54 ans et il semble qu’on fasse fi du fait que la
population vieillisse et on continue d’ignorer les 55 ans et plus,
ainsi que leur mode de vie et leur revenu discrétionnaire... Pire, au
niveau marketing on les voit encore comme il y a 20
ans…
Les ententes :
Ici, les escomptes de
volume sont négociés annuellement sans tenir compte de l’offre et de la
demande, ce qui fait que lorsque notre inventaire est limité nous ne
pouvons augmenter nos prix. Ailleurs au Canada anglais et en Europe, on
négocie sur la base d’escomptes de volume, les gros acheteurs ont des
escomptes plus grands que les petits.
2. Des
exemples de l’Europe :
Les Flamands
:
Nous avons des points communs avec les flamands
: la Belgique compte 10 millions d’habitants dont 6 millions de
flamands qui parlent une langue différente du reste du pays et de
l’Europe. Les wallons - les 4 millions restants - parlent français,
tout comme leur voisin immédiat, la France. Apparemment, la télévision
flamande se porte bien par rapport aux autres pays
européen.
Voici une façon de faire nouvelle et originale qui
rapporte au télédiffuseur flamand : désormais, les annonceurs se font
offrir des split
screens (des écrans divisés), c’est-à-dire que la
programmation se poursuit pendant que le message publicitaire est
diffusé sur une importante partie de l’écran. De cette façon le message
n'est pas zappé, et l’annonceur s’assure donc de 100% de l’auditoire.
Cette solution est particulièrement efficace lors de la diffusion
d’émissions sportives. Ici, RDS le fait dans le cadre des courses de
Formule 1.
L’Angleterre
:
Le réseau ITV a mis de l’avant un
concours avec Ford dont le but était de forcer l’écoute de l’auditoire;
on a donc créé des rendez-vous à des heures très précises où le
téléspectateur pouvait trouver l’information lui permettant de
participer au concours. Selon l’annonceur et le réseau ITV, les
résultats ont été
extraordinaires.
Les Pays-Bas :
Le
lancement du deuxième film Ice Age a été un grand succès avec des
assistances en salle plus grandes que la sortie du premier grâce à la
participation à la fois de la télévision et de l’internet. Par exemple,
on a utilisé l’écran partagé pour faire des teasers et le décompte
comme ici dans le Téléjournal.
Le futur de notre télévision
:
- il nous faut trouver de nouveaux moyens pour
assurer une meilleure rentabilité et les expériences européennes
peuvent nous inspirer.
- il nous faut arrêter de laisser
migrer les budgets dans le reste du pays
- il faut que les
annonceurs d’ici acceptent de payer plus pour les innovations et
considèrent les valeurs ajoutées monnayables.
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Au delà
du
30 sec., le programme court
Conférence de
Nicolas Drechou,
producteur, MatchProd et Marc
Lacasse, vice-président marketing, Re/Max
Québec
M. Drechou vit au Québec depuis
septembre 2006. Considéré comme un spécialiste du programme court en
France, il nous a exposé le fonctionnement et les avantages de cette
innovation.
De son côté Marc Lacasse en a fait une application au Québec
avec
le réseau TVA. Même s’il est trop tôt pour quantifier les résultats
parce qu’en ondes depuis peu, les commentaires positifs des franchisés
laissent présager le succès de cette nouvelle
visibilité.
Schéma du programme
court :
Contenu d’une émission mais qui ne dure
que 60 secondes, pas de logo, pas de marque mais un générique
d’ouverture et un générique de fermeture avec la signature de
l’annonceur ; durée totale : maximum 75 secondes
Ex. : Les opticiens Krys diffusés à TF1 :
Diffusion à
heure fixe au cours de la semaine dans le but de créer un rendez-vous
avec le téléspectateur, tout comme une émission
régulière
Enjeu : laisser deviner le regard de près de 300
personnalités connues du grand public
La nature du programme
court :
- Originalité du format : un maximum de
60 secondes de contenu original
- Des inédits (près
de 300 stars sur une période de 3 ans pour les opticiens
Krys)
- Exclusivité de produit garanti du
télédiffuseur
- Contenu exclusif et relatif à l’univers du
partenaire (pas d’humour et pas de fiction)
- Diffusion aux
heures de grande écoute
- Création d’un rendez-vous, i.e
diffusion toutes les semaines aux mêmes heures
- Fréquence du
même thème musical et de la même facture visuelle, afin que le
téléspectateur reconnaisse facilement l’émission
- Diffusion
de longue durée tout comme une émission régulière; en France, on va de
39 semaines à 52 semaines
- Condition incontournable :
diffusion en dehors des pauses publicitaires régulières pour se
distancer des bloques publicitaires
Les avantages du
programme court pour l’annonceur :
- Permet de
valoriser l’image de la marque
- S’approprie toutes les
valeurs induites du programme
- Nourrit la communication
- Se différencie de la concurrence avec une vision
innovatrice de la marque
- Enrichit le discours publicitaire
(le programme court s’ajoute à la publicité traditionnelle, ne la
remplace pas)
- Renforce la crédibilité de la marque
L’avantage pour le
télédiffuseur :
Augmentation de ses revenus en
autant que le programme court ne cannibalise pas ses revenus
publicitaires réguliers du même
annonceur.
Le cas Re/Max
est le produit du travail de Re/Max, Carat, TVA et Match
Rod. Re/Max cherche à se différencier de ses compétiteurs tout en
supportant ces vendeurs à travers le Québec.
Les plateformes
utilisées :
- le programme court à la
télévision
- l’internet avec liens à partir des sites RE/MAX
TVA LCN, TATV, et bienchezvous.ca ,
- un DVD,
à
la disposition des franchisés et des agents
Diffusion à heures
précises sur les réseaux ; par ex. à TVA : 9h57, 17h57 et
22h10 du lundi au dimanche, soit 21 diffusions par semaine pendant 36
semaines pour un total de 54 épisodes différentes.
Contenu :
plusieurs exemples viennent de vendeurs où des acheteurs
récents racontent leur expérience à la caméra dans leur nouvelle
maison, entourés de leur famille... donc des vraies histoires avec du
vrai monde qui passe bien à la caméra. Générique de début et de fin en
animation qui aide rapidement à identifier l’émission et l’histoire qui
raconte en quoi cette nouvelle maison fait le bonheur de ses récents
acheteurs. Re/Max est identifié dans les génériques mais pas dans
l’histoire
Conclusion
: déjà les franchisés et les agents sont extrêmement
heureux, enthousiastes et satisfaits. Ils apprécient notamment de se
distinguer des compétiteurs parce que ce faisant, Re/Max sort du cadre
de comparaisons tels que : plus d’agents pour vous servir, plus de
maisons vendues, etc.
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Les
modèles
émergents de la télévision
Conférence de François Seligmann,
conseiller auprès du directeur général, Orange, Groupe France Télécom,
France
Selon M. Seligmann, les habitudes
changent mais changent lentement, il faut observer les signaux faibles
; il faut aussi retenir que dans l’histoire des médias, il n’y a jamais
eu de média qui en a tué un autre.
Dans les années 60-70, la
télévision était sacralisée, dans les années 70-80, elle a été plutôt
banalisée, mais depuis les années 90, elle s’éclate de plus en plus; on
peut même la regarder n’importe où, n’importe quand et sur beaucoup
d’écrans différents que l’écran traditionnel : video, portable,
cellulaire etc.. En même temps qu’elle se développe partout, elle perd
de sa légitimité.
Voici les 4 principales
innovations
télévision :
- Télécommandes
et zapping
- Magnétoscopes – le téléspectateur fait sa propre
programmation
- Télévision payante, la télé passe de l’offre à
la demande - si le téléspectateur est satisfait il renouvellera son
abonnement…
- Le numérique : la télé entre dans une
technologie englobante.
La HD établit un rapport de force
vers l’exploitant commercial, la télé est donc en phase de maturité et
est forcée d’évoluer. Les jeunes regardent de moins en moins la télé
mais 80% d’entre eux avouent faire deux choses à la fois, soit être
attentif à deux médias en même temps. Par conséquent, les habitudes
médias changent et les habitudes de consommation changent également.
Les jeunes d’aujourd’hui seront les consommateurs de demain s’ils ne le
sont pas déjà dans certains domaines comme tout ce qui concerne les
nouvelles technologies.
Voici les 5 principales menaces de la télévision
:
1. Une
croissance qui s’annonce plus difficile ; par exemple en
Angleterre, ses revenus ont baissé de 4% alors que l’Interactive Bureau
annonce que les revenus publicitaires de l’Internet ont augmenté de
41%
2. La
fragmentation de l’auditoire résulte en des baisse de
revenus par chaîne; la capacité à produire est moins grande que de
diffuser (moins la programmation est bonne, plus les auditoires
baissent)
3. La
délinéarisation : la télé sur plusieurs plateformes comme
le vidéo sur demande, PVR/TIV, le spectateur devient son propre
programmeur; en Grande-Bretagne, seulement 8% regardent les messages
publicitaires d’une émission télé qu’ils ont enregistrée
4.
La
"déprofessionnalisation" : le téléspectateur participe à
la réalisation des émissions…
5. La télévision est
devenu un produit de
commodité : offre très grande où le téléspectateur trouve
de tout selon ses besoins ou son humeur du moment ; elle est souvent
consommée en arrière plan d’autres activités (perte
d'attention).
Les 5 principales réponses de la télé
:
- Des séries récurrentes, des productions de
grande qualité, déclinées et mises en marché sur de multiples
plateformes
- Le développement de modes interactifs dans la
programmation
- L’intégration de contenus réalisés par les
internautes
- La libre antenne avec modération via le
cellulaire, par ex., la diffusion d’enregistrements témoins
d’événements réalisés par M. ou Mme Tout le monde
- Des
partenariats avec les géants de l’internet ou des télécommunications
("If you can’t beat hem, join
them")
Avantages de la télémobile, la télévision sur le cellulaire
:
- disponible en tout temps et en tout
lieu
- programmation personnalisée
- consommation
individualisée
- comble les temps d’attente
- rassure
le consommateur en lui permettant de ne rien rater
- offre une
infinité de contenus sous différents formats : télé en direct, vidéo
sur demande, etc..
- permet une consommation interactive et
participative
Cependant, la durée de consultation est courte
et la télémobile devra donc offrir une programmation ajustée à ces
nouveaux utilisateurs.
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Le
retour du
qualitatif
Conférence de Jacques Dorion, président,
Carat Montréal, auteur de Publicités à la carte, pour un choix stratégique des médias
publicitaires
Il y a urgence d’agir en télé !
Au cours de 10
dernières
années, les agences médias se sont concentrées sur les coûts,
collaborant ainsi à en faire un outil de
commodité.
Bonnes nouvelles
:
- Avec la venue de l’internet, le qualitatif revient, de là
l’importance du contenu donc de l’environnement choisi pour la
publicité. Aux É.-U., le qualitatif fait désormais partie des ententes
annuelles.
- On ne se contente plus de supposer et de juger du
succès possible d’une émission. La recherche, de plus en plus présente,
s’avère un outil incontournable dans le choix des environnements où
sont diffusés les messages publicitaires.
- La fonction média
gagne du terrain : les stratèges médias ont de plus en plus d’influence
auprès des annonceurs et leur présence à la table des idées est devenue
indispensable pour bon nombre d’entre eux, autant que les
créatifs.
- Nous prévoyons qu’il y aura plus de changements en
télévision dans les 5 prochaines années qu’il y en a eu dans les 20
dernières. La télévision n’est plus un lieu de rassemblement comme elle
l’a déjà été, mais plutôt un nouvel univers média déséquilibré,
fascinant et rempli d’opportunités.
Nous sommes déjà à l’ère
de la télé portable, la télé nomade.
Les cibles médias
d’aujourd’hui :
Traditionnels (TRADIS*) |
Nouveaux
(NOUVOS*) |
35 ans+ |
Moins de 35
ans |
Médias
classiques |
Cocktail
médias |
Consommation
passive |
Consommation
active |
Réfractaires aux
changements |
Apte aux
changements |
Facilité
d'utilisation |
Curieux d'apprendre -
testeurs |
Efficacité
éprouvée |
Ouverts
d'esprit |
En nombre
décroissant |
En nombre
croissant |
* Nomenclature d'un modèle
Stratégem
La technologie engendre la
surconsommation médias et elle entre par les nouvos; la télé doit donc
s’hybrider avec les nouvelles technologies.
L’annonceur doit
se démarquer et faire en sorte que le consommateur se sente invité non
pas imposé.
Les défis pour la fonction de
planification médias :
- garder le focus sur le
consommateur
- tenir compte de la réceptivité
médias
- stratégie et créativité
obligatoires
- logistique et intégrité
- être très
attentif au développement des nouveaux médias et comprendre leur
fonctionnement
- mesurer toute l’écoute et développer des
standards de comparaison dans l’industrie
- valoriser l’écoute
non-classique
- présenter un mix-médias
percutant
- offrir plus de folie (du jamais vu, de
l’inédit)
Les défis pour les télédiffuseurs
:
- développer des partenariats avec les
nouvelles
technologies
- comprendre les besoins des annonceurs et
développer des nouvelles façons de faire
- maintenir une
programmation de qualité qui va faire en sorte que les téléspectateurs
soient au
rendez-vous ainsi que les annonceurs
- valoriser les univers
plus qualifiés, choisir des émissions qui rejoignent les 25-54 mais
aussi des
cibles plus pointues, tels que Les invincibles, CA, La
promesse
- offrir des formats plus variés, tel
que le placement
de produit, les programmes courts, la surimpression
- offrir
plus de flexibilité au niveau des idées
- mesurer toute
l’écoute
et développer des standards d’industrie
- valoriser,
commercialiser et monnayer l’écoute
non-classique
Les défis pour les annonceurs
:
- plus de recherche sur son consommateur, plus
de
segmentation, plus de cibles
- plus d’exécutions
médias
- plus de liberté, plus d’originalité, plus de
folie
- changer la mécanique de rémunération des agences
?
Perspectives :
1. la
télévision restera un médium dominant; c’est la
manière de la consommer qui changera
2. le marché de la
télévision est en reconstruction; un nouveau modèle économique reste à
bâtir
3. l’univers numérique n’est pas encore totalement
organisé – surcharge d’informations. Il manque du tri, de la sélection,
de l’éditorialisation qui font la force des émissions de télé et des
gens médias
4. avec la nouvelle télévision, il faut explorer
et expérimenter.
"Avant, je n’étais qu’un
PEB, maintenant ça va mieux".
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