4 avril 2007
La télévision

Journée Infopresse

En 2006, Pierre Karl Péladeau déclarait que le paysage télévisuel devait faire face à l’arrivée d’un tsunami. Télé HD, IP, iTV, TiVo, Internet et médias mobiles, la fragmentation de l’auditoire bouleverse les modèles traditionnels de diffusion.
Comment rester à l’avant-plan de l’innovation tout en créant et en diffusant des contenus forts et cohérents? Comment annonceurs et agences pourront tirer profit de ces nouveaux enjeux liés à la diffusion et à la programmation? Et où en sont réellement ces nouvelles possibilités qu’offre la télé?

Voici un résumé de quatre conférences de cette journée.

Pour consulter le programme complet, cliquez ici.

Texte rédigé par Yolande Cyrenne, en collaboration spéciale avec le CDMQ.
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Inspirations internationales
Conférence de Richard Portelance, directeur général du service commercial de Radio-Canada

Radio-Canada est membre de l’EGTA, l’European Group Television Advertising qui totalise 26 pays télédiffuseurs de pays européens ainsi que 10 autres de pays à l’extérieur de l’Europe (www.egta.com), et dont le but est d’échanger des idées et des expériences sur l’industrie et d’en faire la promotion. M. Portelance s’est inspiré de sa dernière rencontre annuelle avec l’EGTA, en février 2007.

1. Des inspirations internationales :

La télévision européenne est en crise, comme à peu près partout dans les pays industrialisés, mais beaucoup d’actions se font dont on pourrait s’inspirer pour améliorer la nôtre. D’abord, les grandes différences entre le marché de la télévision européenne et le marché québécois :

La réglementation :
Au niveau des produits/services des annonceurs : elle est encore pire que la nôtre, il y a d’abord la réglementation européenne et celle qui diffère d’un pays à l’autre.
Au niveau des plateformes : le cellulaire, le VOD (vidéo sur demande), l’internet, tout est majoritairement réglementé alors qu'ici c’est la pagaille, on devrait être mieux réglementé et s’inspirer des européens pour le faire.

Le temps commercial :
Il varie d’un pays à l’autre : par ex. :
- il n’y en a pas du tout à la BBC en Angleterre
- 6 minutes en Allemagne pour la chaîne ARD
- 8 pour France Télévision au début et à la fin d’une émission, et 12 à TF1 mais les annonceurs ne peuvent intervenir avant 20 premières minutes de diffusion d’une émission.

Les groupes cibles sont différents :
En Europe, on vise les 25-59 ans et les 50 ans et plus ; ici, on vise toujours les 25-54 ans et il semble qu’on fasse fi du fait que la population vieillisse et on continue d’ignorer les 55 ans et plus, ainsi que leur mode de vie et leur revenu discrétionnaire... Pire, au niveau marketing on les voit encore comme il y a 20 ans…

Les ententes :
Ici, les escomptes de volume sont négociés annuellement sans tenir compte de l’offre et de la demande, ce qui fait que lorsque notre inventaire est limité nous ne pouvons augmenter nos prix. Ailleurs au Canada anglais et en Europe, on négocie sur la base d’escomptes de volume, les gros acheteurs ont des escomptes plus grands que les petits.


2. Des exemples de l’Europe :

Les Flamands :
Nous avons des points communs avec les flamands : la Belgique compte 10 millions d’habitants dont 6 millions de flamands qui parlent une langue différente du reste du pays et de l’Europe. Les wallons - les 4 millions restants - parlent français, tout comme leur voisin immédiat, la France. Apparemment, la télévision flamande se porte bien par rapport aux autres pays européen.
Voici une façon de faire nouvelle et originale qui rapporte au télédiffuseur flamand : désormais, les annonceurs se font offrir des split screens (des écrans divisés), c’est-à-dire que la programmation se poursuit pendant que le message publicitaire est diffusé sur une importante partie de l’écran. De cette façon le message n'est pas zappé, et l’annonceur s’assure donc de 100% de l’auditoire. Cette solution est particulièrement efficace lors de la diffusion d’émissions sportives. Ici, RDS le fait dans le cadre des courses de Formule 1.

L’Angleterre :
Le réseau ITV a  mis de l’avant un concours avec Ford dont le but était de forcer l’écoute de l’auditoire; on a donc créé des rendez-vous à des heures très précises où le téléspectateur pouvait trouver l’information lui permettant de participer au concours. Selon l’annonceur et le réseau ITV, les résultats ont été extraordinaires.
 
Les Pays-Bas :
Le lancement du deuxième film Ice Age a été un grand succès avec des assistances en salle plus grandes que la sortie du premier grâce à la participation à la fois de la télévision et de l’internet. Par exemple, on a utilisé l’écran partagé pour faire des teasers et le décompte comme ici dans le Téléjournal.

Le futur de notre télévision :
- il nous faut trouver de nouveaux moyens pour assurer une meilleure rentabilité et les expériences européennes peuvent nous inspirer.
- il nous faut arrêter de laisser migrer les budgets dans le reste du pays
- il faut que les annonceurs d’ici acceptent de payer plus pour les innovations et considèrent les valeurs ajoutées monnayables.

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Au delà du 30 sec., le programme court
Conférence de Nicolas Drechou, producteur, MatchProd et Marc Lacasse, vice-président marketing, Re/Max Québec

M. Drechou vit au Québec depuis septembre 2006. Considéré comme un spécialiste du programme court en France, il nous a exposé le fonctionnement et les avantages de cette innovation.
De son côté Marc Lacasse en a fait une application au Québec avec le réseau TVA. Même s’il est trop tôt pour quantifier les résultats parce qu’en ondes depuis peu, les commentaires positifs des franchisés laissent présager le succès de cette nouvelle visibilité.

Schéma du programme court :
Contenu d’une émission mais qui ne dure que 60 secondes, pas de logo, pas de marque mais un générique d’ouverture et un générique de fermeture avec la signature de l’annonceur ; durée totale : maximum 75 secondes

Ex. : Les opticiens Krys diffusés à TF1 :
Diffusion à heure fixe au cours de la semaine dans le but de créer un rendez-vous avec le téléspectateur, tout comme une émission régulière
Enjeu : laisser deviner le regard de près de 300 personnalités connues du grand public

La nature du programme court :
- Originalité du format : un maximum de 60 secondes de contenu original
- Des inédits (près de 300 stars sur une période de 3 ans pour les opticiens Krys)
- Exclusivité de produit garanti du télédiffuseur
- Contenu exclusif et relatif à l’univers du partenaire (pas d’humour et pas de fiction)
- Diffusion aux heures de grande écoute
- Création d’un rendez-vous, i.e diffusion toutes les semaines aux mêmes heures
- Fréquence du même thème musical et de la même facture visuelle, afin que le téléspectateur reconnaisse facilement l’émission
- Diffusion de longue durée tout comme une émission régulière; en France, on va de 39 semaines à 52 semaines
- Condition incontournable : diffusion en dehors des pauses publicitaires régulières pour se distancer des bloques publicitaires

Les avantages du programme court pour l’annonceur :
- Permet de valoriser l’image de la marque
- S’approprie toutes les valeurs induites du programme
- Nourrit la communication
- Se différencie de la concurrence avec une vision innovatrice de la marque
- Enrichit le discours publicitaire (le programme court s’ajoute à la publicité traditionnelle, ne la remplace pas)
- Renforce la crédibilité de la marque

L’avantage pour le télédiffuseur :
Augmentation de ses revenus en autant que le programme court ne cannibalise pas ses revenus publicitaires réguliers du même annonceur.

Le cas Re/Max est le produit du travail de Re/Max, Carat, TVA et Match Rod. Re/Max cherche à se différencier de ses compétiteurs tout en supportant ces vendeurs à travers le Québec.

Les plateformes utilisées :
- le programme court à la télévision
- l’internet avec liens à partir des sites RE/MAX TVA LCN, TATV, et bienchezvous.ca ,
- un DVD, à la disposition des franchisés et des agents

Diffusion à heures précises sur les réseaux ; par ex. à TVA : 9h57, 17h57 et 22h10 du lundi au dimanche, soit 21 diffusions par semaine pendant 36 semaines pour un total de  54 épisodes différentes.

Contenu : plusieurs exemples viennent de vendeurs où des acheteurs récents racontent leur expérience à la caméra dans leur nouvelle maison, entourés de leur famille... donc des vraies histoires avec du vrai monde qui passe bien à la caméra. Générique de début et de fin en animation qui aide rapidement à identifier l’émission et l’histoire qui raconte en quoi cette nouvelle maison fait le bonheur de ses récents acheteurs. Re/Max est identifié dans les génériques mais pas dans l’histoire

Conclusion : déjà les franchisés et les agents sont extrêmement heureux, enthousiastes et satisfaits. Ils apprécient notamment de se distinguer des compétiteurs parce que ce faisant, Re/Max sort du cadre de comparaisons tels que : plus d’agents pour vous servir, plus de maisons vendues, etc.

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Les modèles émergents de la télévision
Conférence de François Seligmann, conseiller auprès du directeur général, Orange, Groupe France Télécom, France

Selon M. Seligmann, les habitudes changent mais changent lentement, il faut observer les signaux faibles ; il faut aussi retenir que dans l’histoire des médias, il n’y a jamais eu de média qui en a tué un autre.
Dans les années 60-70, la télévision était sacralisée, dans les années 70-80, elle a été plutôt banalisée, mais depuis les années 90, elle s’éclate de plus en plus; on peut même la regarder n’importe où, n’importe quand et sur beaucoup d’écrans différents que l’écran traditionnel : video, portable, cellulaire etc.. En même temps qu’elle se développe partout, elle perd de sa légitimité.

Voici les 4 principales innovations télévision :
- Télécommandes et zapping
- Magnétoscopes – le téléspectateur fait sa propre programmation
- Télévision payante, la télé passe de l’offre à la demande - si le téléspectateur est satisfait il renouvellera son abonnement…
- Le numérique : la télé entre dans une technologie englobante.

La HD établit un rapport de force vers l’exploitant commercial, la télé est donc en phase de maturité et est forcée d’évoluer. Les jeunes regardent de moins en moins la télé mais 80% d’entre eux avouent faire deux choses à la fois, soit être attentif à deux médias en même temps. Par conséquent, les habitudes médias changent et les habitudes de consommation changent également. Les jeunes d’aujourd’hui seront les consommateurs de demain s’ils ne le sont pas déjà dans certains domaines comme tout ce qui concerne les nouvelles technologies.

Voici les 5 principales menaces de la télévision :
1. Une croissance qui s’annonce plus difficile ; par exemple en Angleterre, ses revenus ont baissé de 4% alors que l’Interactive Bureau annonce que les revenus publicitaires de l’Internet ont augmenté de 41%
2. La fragmentation de l’auditoire résulte en des baisse de revenus par chaîne; la capacité à produire est moins grande que de diffuser (moins la programmation est bonne, plus les auditoires baissent)
3. La délinéarisation : la télé sur plusieurs plateformes comme le vidéo sur demande, PVR/TIV, le spectateur devient son propre programmeur; en Grande-Bretagne, seulement 8% regardent les messages publicitaires d’une émission télé qu’ils ont enregistrée
4. La "déprofessionnalisation" : le téléspectateur participe à la réalisation des émissions…
5. La télévision est devenu un produit de commodité : offre très grande où le téléspectateur trouve de tout selon ses besoins ou son humeur du moment ; elle est souvent consommée en arrière plan d’autres activités (perte d'attention).

Les 5 principales réponses de la télé :
- Des séries récurrentes, des productions de grande qualité, déclinées et mises en marché sur de multiples plateformes
- Le développement de modes interactifs dans la programmation
- L’intégration de contenus réalisés par les internautes
- La libre antenne avec modération via le cellulaire, par ex., la diffusion d’enregistrements témoins d’événements réalisés par M. ou Mme Tout le monde
- Des partenariats avec les géants de l’internet ou des télécommunications ("If you can’t beat hem, join them")

Avantages de la télémobile, la télévision sur le cellulaire :
- disponible en tout temps et en tout lieu
- programmation personnalisée
- consommation individualisée
- comble les temps d’attente
- rassure le consommateur en lui permettant de ne rien rater
- offre une infinité de contenus sous différents formats : télé en direct, vidéo sur demande, etc..
- permet une consommation interactive et participative
Cependant, la durée de consultation est courte et la télémobile devra donc offrir une programmation ajustée à ces nouveaux utilisateurs.

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Le retour du qualitatif
Conférence de Jacques Dorion, président, Carat Montréal, auteur de Publicités à la carte, pour un choix stratégique des médias publicitaires

Il y a urgence d’agir en télé !
Au cours de 10 dernières années, les agences médias se sont concentrées sur les coûts, collaborant ainsi à en faire un outil de commodité.

Bonnes nouvelles :
- Avec la venue de l’internet, le qualitatif revient, de là l’importance du contenu donc de l’environnement choisi pour la publicité. Aux É.-U., le qualitatif fait désormais partie des ententes annuelles.
- On ne se contente plus de supposer et de juger du succès possible d’une émission. La recherche, de plus en plus présente, s’avère un outil incontournable dans le choix des environnements où sont diffusés les messages publicitaires.
- La fonction média gagne du terrain : les stratèges médias ont de plus en plus d’influence auprès des annonceurs et leur présence à la table des idées est devenue indispensable pour bon nombre d’entre eux, autant que les créatifs.
- Nous prévoyons qu’il y aura plus de changements en télévision dans les 5 prochaines années qu’il y en a eu dans les 20 dernières. La télévision n’est plus un lieu de rassemblement comme elle l’a déjà été, mais plutôt un nouvel univers média déséquilibré, fascinant et rempli d’opportunités.
Nous sommes déjà à l’ère de la télé portable, la télé nomade.
Les cibles médias d’aujourd’hui :

Traditionnels (TRADIS*) Nouveaux (NOUVOS*)
35 ans+ Moins de 35 ans
Médias classiques Cocktail médias
Consommation passive Consommation active
Réfractaires aux changements Apte aux changements
Facilité d'utilisation Curieux d'apprendre - testeurs
Efficacité éprouvée Ouverts d'esprit
En nombre décroissant En nombre croissant
 






* Nomenclature d'un modèle Stratégem

La technologie engendre la surconsommation médias et elle entre par les nouvos; la télé doit donc s’hybrider avec les nouvelles technologies.
L’annonceur doit se démarquer et faire en sorte que le consommateur se sente invité non pas imposé.

Les défis pour la fonction de planification médias :
- garder le focus sur le consommateur
- tenir compte de la réceptivité médias
- stratégie et créativité obligatoires
- logistique et intégrité
- être très attentif au développement des nouveaux médias et comprendre leur fonctionnement
- mesurer toute l’écoute et développer des standards de comparaison dans l’industrie
- valoriser l’écoute non-classique
- présenter un mix-médias percutant
- offrir plus de folie (du jamais vu, de l’inédit)

Les défis pour les télédiffuseurs :
- développer des partenariats avec les nouvelles technologies
- comprendre les besoins des annonceurs et développer des nouvelles façons de faire
- maintenir une programmation de qualité qui va faire en sorte que les téléspectateurs soient au rendez-vous ainsi que les annonceurs
- valoriser les univers plus qualifiés, choisir des émissions qui rejoignent les 25-54 mais aussi des cibles plus pointues, tels que Les invincibles, CA, La promesse
- offrir des formats plus variés, tel que le placement de produit, les programmes courts, la surimpression
- offrir plus de flexibilité au niveau des idées
- mesurer toute l’écoute et développer des standards d’industrie
- valoriser, commercialiser et monnayer l’écoute non-classique

Les défis pour les annonceurs :
- plus de recherche sur son consommateur, plus de segmentation, plus de cibles
- plus d’exécutions médias
- plus de liberté, plus d’originalité, plus de folie
- changer la mécanique de rémunération des agences ?

Perspectives :
1. la télévision restera un médium dominant; c’est la manière de la consommer qui changera
2. le marché de la télévision est en reconstruction; un nouveau modèle économique reste à bâtir
3. l’univers numérique n’est pas encore totalement organisé – surcharge d’informations. Il manque du tri, de la sélection, de l’éditorialisation qui font la force des émissions de télé et des gens médias
4. avec la nouvelle télévision, il faut explorer et expérimenter.

"Avant, je n’étais qu’un PEB, maintenant ça va mieux".


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